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Sem2001@Lyon : Conférence sur St Irénée


CONFERENCE du P. Maurice JOURJON
15 septembre 2001

" Nous sommes appelés à l'intelligence de la foi à l'exemple de Saint Irénée. " Tel est le titre qui a été donné à notre entretien. J'avoue que l'expression " intelligence de la foi " me para”trait mieux convenir à un exposé sur Augustin. En tant que patrologue et vieux lecteur d'Irénée, j'aurais plutôt proposé : " Séminaristes, nous sommes appelés à transmettre la foi des apôtres à l'exemple de Saint Irénée, c'est-à-dire avec intelligence ". Mais je reconnais volontiers que l'écart entre les deux titres fait partie de ces différences dont le deuxième évêque de Lyon nous dit que, loin de désunir, elle confirme l'unité de la foi , plus littéralement la concorde de la foi. (Eusèbe H.E.5,24,13 ; SC N¡ 41 p.70)

L'essentiel, selon moi, c'est ceci. La connaissance qu'Irénée a acquise, grâce au témoignage de Polycarpe de l'enseignement des apôtres, de Jean et des autres qui ont vu le Seigneur, lui a permis d'en donner le raccourci (c'est le mot qu'il aime employer (cf. R.p 312, 353, 360) ne pouvant pas encore dire traboule) suivant : " lorsque le Christ, donnait à ses disciples le pouvoir de faire rena”tre les hommes en Dieu, il leur disait : " allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit " (R.p 386)
" Lorsque le Christ s'est incarné, il a récapitulé en lui-même la longue série des hommes et nous a procuré le salut. " D'un seul coup (R.p. 360). " L'Eglise est le chandelier à 7 branches qui porte la lumière du Christ " (R.p . 628).
Il se pourrait qu'à Lyon, ces raccourcis nous suffisent mais, comme nous avouons que " tout le monde peuvent pas être à Lyon ; il en faut ben d'un peu partout " nous devons, pour les gens d'un peu partout, user d'un langage différent et traduire ainsi Irénée :
La foi baptismale est une articulation sur les personnes divines plutôt qu'une énumération des articles de foi. La récapitulation est une concentration sur le Christ en elle-même évocatrice de Marie. La conception qu'a Irénée de l'Eglise apostolique, fait de lui le docteur Ïcuménique par excellence. Il est incontestable que la tradition apostolique sur le baptême nous inciterait, à l'exemple d'Irénée d'accueillir pour transmettre l'enseignement suivant :
" Le Baptême de notre régénération nous octroie la nouvelle naissance en Dieu le Père, par son Fils, dans l'Esprit Saint : car ceux qui portent l'Esprit de Dieu vont au Verbe, autrement dit, au Fils, et le Fils les conduit au Père É " (Démonst.7 ; SC n¡ 406, p.7)

En effet, fidèle au texte de Matthieu, L'Eglise enseigne en baptisant : l'immersion est le sceau de l'enseignement ; elle accomplit ce qui est enseigné, elle est une plongée du Père en nos cÏurs et nos corps par son Fils en l'Esprit, le Baptême :
* à l'égard du seul Dieu tout puissant de qui viennent toutes choses, c'est une foi totale,
* A l'égard du Fils de Dieu, Jésus Christ Notre seigneur, par qui viennent toutes choses [et qui] s'est fait homme, c'est une conviction ferme
* à l'égard de l'Esprit de Dieu qui met le dessein du Père et du Fils sous les yeux des hommes, c'est une connaissance vraie. " (R.p.518-519)

C'est lorsqu'il a formulé cette articulation du baptisé sur le Dieu Père, par Son Fils, en l'Esprit qu'Irénée énumère les articles de foi qui émanent de la connaissance vraie de l'Esprit saint : l'enseignement des apôtres, la structure originelle de l'Eglise, la succession des évêques, la conservation des Ecritures, le charisme qu'est le témoignage par excellence : le martyre (R. p.519)

Cela suffit sans doute pour que jamais on ne dise du baptême qu'il est comme un accueil mouillé dans l'Eglise ou quelque rite initiatique qu'une sociologie pastorale pourrait situer après la Sainte Cène.

Quant à la récapitulation de toutes choses en Christ, qu'Irénée trouve littéralement dans saint Paul Ep 1,10, et qui lui permet de préciser que jamais Adam n'a échappé aux mains de Dieu (R.p.572) elle est pour lui la nécessité d'affirmer l'évocation d'éve par Marie. Ce n'est certes pas un jeu de mots à la Lacan que cette éve-vocation.

C'est ce fait qu'un regard droit sur le Christ nécessairement découvre : Marie, Vierge, obéissante cause de salut, dénouement d'éve dont elle est l'avocate (R.m.385-386 et p.626)

En effet, pour que le Christ récapitule Adam, il faut que la vie circule de Marie jusqu'à éve et qu'ainsi, celle qui par une pensée enfantine, à vrai dire un enfantillage aurait souhaité peut-être que le destin fit d'elle la première pécheresse, la première tombeuse d'homme, devint par vocation l'ancêtre de Notre Dame, la Mère aux longs cheveux que chantera Péguy, en un mot, l'a•eule incontestable de l'enfant Jésus.

Et cela n'est pas une géniale découverte de l'évêque de Lyon. Lui-même estime que cela appartient à la prédication apostolique. C'est en exposant celle-ci qu'Irénée a pu dire : " Éil fallait qu'Adam fét récapitulé dans le Christ afin que ce qui était mortel fét englouti par l'immortalité et il fallait qu'Eve fut [blottie] en Marie, afin qu'une Vierge en se faisant l'avocate d'une vierge détruisit la désobéissance d'une vierge par l'obéissance de la Vierge. " (Démonst.33,SC N¡ 406, p.131)

L'Eglise enfin, celle qui selon Irénée est préfigurée par Rachel, la cadette aux beaux yeux (R.p. 483). Trop souvent les théologiens se sont contentés de ne retenir de l'Ecclésiologie d'Irénée que sa théorie de la succession apostolique. L'expression d'ailleurs n'est pas irénéenne. Pour lui être fidèle, il faut dire la succession des évêques depuis les apôtres. En effet, selon Irénée on ne succède pas plus aux apôtres qu'au Christ. Mais les apôtres ont institué dans les Eglises fondées par eux des continuateurs de leur ministère. Dans toutes les Eglises, il en fut ainsi, comme exemple éminent dans celle que fondèrent à Rome les apôtres Pierre et Paul. Irénée la promeut et cite les noms des premiers évêques de cette Eglise " avec laquelle, en raison de son origine plus forte, doit s'accorder toute église c'est à dire les fidèles de partout. " (R.p. 279) Mais il dit bien qu'il en est de même dans les autres Eglises particulières, à Smyrne et Ephèse notamment. (R.p. 281 et 282)

De plus, si on obtient par cette succession une signalisation de l'Eglise permettant de la reconna”tre, ce signal ne devient symbole que par ces nécessaires notes conjointes que sont la prédication de l'Evangile et la vie selon l'Evangile. Ecoutons ces textes d'Irénée qui n'ont guère été entendus avant le mouvement pour l'unité des Chrétiens et le 2ème concile du Vatican. " Il faut écouter les presbytres qui sont dans l'Eglise, ils ont la succession depuis les apôtresÉ et avec la succession dans l'épiscopat, ils ont reçu le sér charisme de la véritéÉ "(R.p.492)
" On doit donc É s'attacher à ceux qui gardent la succession dans l'Eglise depuis les apôtres, l'intégrité inattaquable de la conduite et la pureté incorruptible de la parole. " (R.p.495)

Enfin, on n'a guère insisté avant le 20ème siècle (c'était hier !) sur le lien Esprit-Eglise selon Saint Irénée. Un texte surtout est à retenir qu'il faut lire jusqu'au bout ! " C'est à l'Eglise elle-même É qu'a été confié le don de DieuÉ C'est en elle qu'a été déposée la communication du Christ, c'est-à-dire l'Esprit SaintÉ Car là où est l'Eglise, là est aussi l'Esprit de Dieu ; et là où est l'Esprit de Dieu là est l'Eglise et toute grâce. Et l'Esprit est vérité. " (R. p. 395)

L'étude de ce texte montre qu'en amont de lui une parole du Christ dans Saint Jean (16,13) et une de Pierre dans les Actes (10,47) le fondent et l'expliquent. " Lorsque viendra l'Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière " nous dit Jésus et Irénée conclut son texte par ce rappel : l'Esprit est vérité. Pierre, lorsqu'on lui reproche le baptême de Corneille et de son entourage, rétorque : " Quelqu'un pourrait-il empêcher de baptiser ces gens qui, tout comme nous, ont reçu l'Esprit saint. " Et voici que l'antécédence de l'Esprit sur l'Eglise affirmée par Irénée a comme fondement cette mission de l'Eglise qui, selon Pierre, est démission devant l'Esprit.

Concentration sur le Christ ; mariologie strictement christologique ; importance des Eglises apostoliques sont en tête Rome ; Esprit qui conduit l'Eglise vers la vérité, tout cela fait d'Irénée le théologien par excellence de l'unité des Chrétiens.

C'est pourquoi, je ne puis terminer cet entretien qu'en rappelant cette adresse faite à toutes les confessions chrétiennes, il y a hélas quelques années déjà : saint Irénée étant célébré par la liturgie comme martyr ne peut être considéré comme docteur de l'Eglise. Le sang du martyr, à juste titre, l'emporte sur l'encre du docteur. L'ennui pour Irénée, c'est que son martyre n'a pas laissé de trace alors que son enseignement trace une voie très sére. C'est pourquoi certains de ses disciples cherchent pour lui un doctorat d'un type nouveau. Une nouveauté doctorale ? pourquoi pas ? pourquoi pas le dire docteur Ïcuménique à condition bien sér que toutes les confessions chrétiennes soient d'accord et le proclament ensemble docteur de l'unité des Chrétiens. En effet, à tous ceux qui se réclament du Christ, saint Irénée demande quelque chose.

A nous, catholiques, il demande d'enseigner que Rome n'est pas uniquement le siège de Pierre, mais l'Eglise de Pierre et de Paul ; que Pierre, chef des Apôtres n'est pas le premier pape, mais avec Paul, l'instituteur de la papauté ; qu'être vicaire de Pierre oblige à avoir pour toute l'Eglise la sollicitude de Paul. Il nous demande aussi de ne jamais oublier qu'Adam et éve sont les premiers sauvés du Christ et que " c'est après avoir été modelé à l'image de Dieu " qu'ils furent " placés sur la terre " (Démons.11; SCn¡406,p99)

A nos frères de la Réforme, Irénée demande bien sér de ne pas fermer les yeux lorsqu'ils lisent dans son Ïuvre qu'il faut être en accord avec l'Eglise de Pierre et Paul. Il leur demande aussi de continuer à fixer le regard sur l'Unique Sauveur et ainsi de ne pas perdre de vue Marie, Vierge obéissante. Il leur demande enfin de continuer à lire l'Ecriture que leur ouvre l'Eglise tandis que le Saint Esprit en tourne les pages et cela s'appelle Tradition.

A nos frères d'Orient, Irénée demande de nous faire comprendre que c'est l'Eglise qui conserve des icônes et non les icônes qui conservent l'Eglise. Il leur rappelle aussi que par Ephèse et Smyrne, les Eglises orthodoxes sont plus apostoliques encore que par Byzance et Moscou. Comme elles sont plus authentiquement chrétiennes par leur fidélité à l'Evangile que par leur splendeur liturgique.

Irénée, docteur de l'unité des Chrétiens, donne à ceux que nous appelons séminaristes cette conviction qui est la tienne, qu'il y a parfait accord de la foi apostolique avec la pratique eucharistique et qu'en retour la pratique eucharistique est le symbole même de la foi.(R.p.464) Que l'intelligence de la foi c'est le constat du parfait accord de la doctrine avec la pratique eucharistique et que, en retour, la pratique eucharistique est le symbole même de la foi.



R. désigne la traduction française du Contre les Hérésies par Adelin Rousseau.


P. Maurice JOURJON